Comment calculer le pic de hubbert ?
Par Richard DETENTE, mardi 11 juillet 2006 à 14:04 :: General :: permalien #9
Comment font les "experts" pour calculer la date fatidique du pic pétrolier ?
Pourquoi n'arrivent-t-ils pas à se mettre d'accord sur une date ?
Rappel sur le pic pétrolier et gazier :
On atteint le pic lorsque la production ne cesse de décroître après avoir atteint son plus haut niveau. La méthode de calcul est la même pour le pic gazier ou pétrolier.
Comment calculer la date du pic ? [1]
D'après la théorie du Dr King Hubbert, le pic pétrolier est atteint lorsque 50% des ressources ont été exploitées. Etant donné que cette théorie à été prouvée, tant mathématiquement que par l'expérience, il s'agira de définir deux éléments :
- Les ressources déjà exploitées,
- La totalité des ressources (Les ressources extraites + celles restantes), aussi appelées ressources ultimes
Connaître la quantité des ressources qui ont été exploitées n'est pas difficile, les inventaires faits par des spécialistes nous donne nt le nombre récurrent d'environ 1 000 milliards de barils (imaginez 43 millions de piscines olympiques remplies à 159l le baril). On retrouve ce chiffre à l'IFP (Lien direct) (Institut français du pétrole) tout comme à l'ASPO (Lien direct) (organisation militante de géologues et géophysiciens).
Par contre connaître l'état des réserves futures est une autre histoire où les différentes de chapelles et points de vues jouent à plein.
Il existe trois types de réserves dont il est important de comprendre la nature pour ne pas se laisser abuser par les chiffres que l'on entend. Voilà ce que nous dit l'IFP (Lien direct) à propos des réserves.
réserves prouvées :
On appelle "réserves prouvées" les quantités de pétrole dont l’existence est établie et dont les chances de récupération, dans le cadre des données actuelles de la technique et de l'économie, sont d’au moins 90 %".
réserves probables :"Les réserves probables concernent, pour un gisement identifié, les quantités de pétrole ayant une probabilité supérieure à 50 % d’être économiquement exploitables."
réserves possibles :"On parle de réserves possibles lorsque cette probabilité tombe à 10 %."
Les réserves prouvées seules doivent être publiées obligatoirement par les compagnies cotées en bourse. De ces chiffres dépendent la valeur boursière de ces sociétés.Par contre il est à savoir que les réserves prouvées peuvent augmenter sans que l'on ait découvert de pétrole et sans aucun progrès de la technique. En effet ces chiffres sont soumis à des réévaluations en fonction du prix du baril sur les marchés et de la meilleure connaissance de ce que contiennent les champs pétroliers en cours d'exploitation.
Ils sont donc difficilement exploitables car leur définition est tout autant scientifique qu'économique.
Pour en savoir plus ... sur les réserves pétrolières
Pour palier à ce manque de clarté beaucoup d'experts et d'organisations se proposent pour apporter leurs lumières.
Enfin, voici la partie de l'article où l'on parle de dates concrètes. On trouve beaucoup d'avis différents et des divergences significatives. Un résumé des différents points de vue a été réalisé sur le site oleocene (Lien direct) d'après une étude de l'association peakoil.nl (Lien direct).
On peut tirer quelques grandes tendances parmi les catégories proposées :
- Les experts indépendants : Ils prévoient globalement la venue du pic entre 2006 et 2020
- Les compagnies pétrolières : On cite souvent les dates de 2020 et 2030 notamment pour Shell et Total
- Les organisations de conseil en énérgie : Bien que ces structures soient de natures très diverses on arrive à une fourchette comprise entre 2010 et 2030
- Les gouvernements : Peu se prononcent et pour ceux qui laissent des indices ils reprennent les estimations les plus optimistes, en général entre 2020 et 2030.
Actuellement il n'est pas possible de savoir quand nous passerons ce fameux pic pétrolier. Le problème est scientifiquement complexe, la technologie peut faire varier cette date, beaucoup d'organisations et d'Etats font tout ce qui est en leur pouvoir pour rendre opaque cette analyse, et enfin les données changeantes de notre économie de marché génèrent encore de nombreux facteurs d'incertitude. Pour ceux qui voudraient avoir un aperçu de ses difficultés par un expert en la matière voici un article de Jean LAHERRERE sur le site Geopolitis (Lien direct) qui est un expert français sur ces questions.
Bref, ce type d'estimation est une gageure et on ne pourra avoir la réponse qu'une fois ce cap franchi et derrière nous avec un peu de distance.
Il faut savoir que tous les résultats des différentes estimations sont justes. Si vous refaites les calculs de Total ou de l'AIE vous retomberez très certainement sur leurs estimations.
Par contre, toutes les estimations que l'on trouve n'ont pas la même "valeur" ni la même "qualité".
Dans ce cas, comment se forger une opinion lorsque l'on est pas expert ou que l'on ne dispose pas des données dites "primaires" [2] du problème ?
On l'aura bien compris ici, tout calcul est fait à partir d'hypothèses et d'une méthode. C'est cela que l'on doit critiquer et dont il faut "se méfier".
Alors on s'intéressera aux hypothèses de base qui ont été prises pour les confronter les unes aux autres (c'est ce que j'espère avoir fait dans cet article).
Accordera-t-on plutôt sa confiance à un scientifique qui aura pris pour hypothèses l'état des gisements actuels couplé à l'analyse géologique des sols ou à un économiste qui aura défini les réserves à venir par le simple prolongement de la tendance des 50 dernières années ?
Chacun se fera sont opinion à ce sujet. De toute façon il est important de comprendre que le problème de la raréfaction arrivera tôt ou tard.
La question est plutôt de savoir comment organiser cette transition ?
Comment soutenir le développement humain en se privant (progressivement ou brutalement) des énergies qui ont bâti nos civilisations actuelles ?
Enfin il faut également garder en tête que le problème des ressources fossiles ne s'arrête pas à notre activité économique car les problèmes environnementaux liés aux gaz à effets de serre constituent également un enjeu majeur où la simple adaptation ne suffira pas car il s'agit également de payer une ardoise que l'on a commencé à remplir il y a plus d'un siècle et demi maintenant.
Il est important de savoir ce qu'est une réserve mais encore plus de comprendre ce qu'elle comprend dans sa définition
Reprenons ces définitions de l'IFP (Lien direct)réserves prouvées :
On appelle "réserves prouvées" les quantités de pétrole dont l’existence est établie et dont les chances de récupération, dans le cadre des données actuelles de la technique et de l'économie, sont d’au moins 90 %".
L'interprétation des réserves prouvées reste toutefois délicate.
L'estimation de la probabilité de récupération est jugée par les compagnies elles-mêmes. Donc si une compagnie revient sur ces estimations parce qu'elle pense avoir été trop "prudente" la première fois alors les réserves qu'elle possède "augmentent".
Il y a aussi une forte appréciation économique car la définition parle de "cadre des données actuelles de la technique et de l'économie.
Ceci mérite une explication. On comprend bien qu'une tonne de pétrole a un coût d'extraction auquel on fera correspondre une marge bénéficiaire et au final un prix de vente. En fonction de la facilité d'extraction du pétrole le coût de revient varie.
Donc lorsque le prix du pétrole sur le marché augmente les compagnies pétrolières peuvent extraire plus de pétrole (plus profond, plus visqueux, plus lourd, avec un besoin de raffinage pour être exploitable, etc.).
Dans cette même logique nos réserves prouvées augmentent également en fonction du prix du marché.
Donc lorsque les réserves prouvées augmentent, cela ne veut pas forcément dire que l'on a trouvé du pétrole ou bien que la science à fait des progrès en matière d'extraction de la ressource. Un cours en bourse élevé durablement augmente mécaniquement les réserves prouvées, tout comme la réévaluation de champs pétrolifères que l'on connaît mieux avec le temps.
IMPORTANT : Ces réserves présentent une obligation de publication par les marchés financiers car c'est en bonne partie grâce à ces chiffres que l'appréciation du cours de la valeur boursière des compagnies pétrolières se fait. Outre l'aspect stratégique de la publication de ces chiffres, c'est aussi un enjeu majeur de la stratégie financière de ces groupes. Les compagnies pétrolières qui ne sont pas cotées en bourse ne sont tenues à aucune obligation de publication de leurs réserves (pays de l'OPEP).
Libre à elles de déclarer ce que bon leur semble.
"Les réserves probables concernent, pour un gisement identifié, les quantités de pétrole ayant une probabilité supérieure à 50 % d’être économiquement exploitables."
Pour résumer on compte dans les réserves probables, des ressources dont on pense qu'elles existent et qu'elles seront exploitables dans le futur. On évalue l'existence de ces "réserves du futur" par plusieurs moyens :- Par de la prospection,
- Une estimation des réévaluations futures des champs existants (grâce aux futures technologies qui permettront de mieux les exploiter)
- Une réévaluation de ce que contiennent vraiment les champs exploités lorsqu'on les connaîtra mieux [3]
- Par des méthodes qui mêlent la statistique à des techniques de sondages des sous-sols pour estimer la présence de petits champs connexe à ceux que l'on exploite déjà.
C'est donc le même mode de raisonnement que l'on applique aux réserves prouvées avec les mêmes problèmes que cela pose :
- Quels sont les données scientifiques que détiennent les compagnies pétrolières sur les réserves ?
- Sur quelles hypothèses basent-t-elles leurs calculs pour trouver les chiffres qu'elles avancent ?
- Et la grande question : combien y-a-t-il vraiment de pétrole sous terre ?
réserves possibles :
"On parle de réserves possibles lorsque cette probabilité tombe à 10 %."
Il existe une 3e et dernière catégorie de réserves : les réserves possibles.
La façon de les déterminer sont vraisemblablement les mêmes que les méthodes employées pour les réserves probables mais avec une part donnée à la statistique bien plus grande.
On peut aussi penser que les hypothèses sur lesquelles les compagnies pétrolières basent leurs calculs sont aussi plutôt optimistes.
- Les ressources déjà exploitées : c'est le pétrole que l'on a déjà produit.
- Les ressources ultimes : c'est la quantité totale de pétrole exploitable sur terre.
- Les ressources futures : quantité de pétrole qu'il reste à produire.
Dans la partie suivante où l'on parlera chiffres et dates nous verrons qu'il y a des avis divergents sur la quantité de pétrole restante. Pour comprendre où se situe ce point de divergence, il faut encore préciser la différence entre pétrole conventionnel et pétrole non-conventionnel.
- Pétrole conventionnel : Ce sont les ressources que l'on extrait facilement à bas prix comme dans les grands champs pétroliers du Moyen-Orient où le pétrole jaillit du sol sous la simple pression des gaz en sous-sol. De façon générale, il s'agit de pétrole avec des caractéristiques qui le rendent commercialisable sans transformations onéreuses.
- Pétrole non-conventionnel : Ce sont les autres formes de pétroles présentes un peu partout dans le monde. On parle actuellement des sables bitumineux du Canada (ref : article ASPO Lien direct), du pétrole "off-shore" en eau profonde ou encore de schistes bitumineux du Brésil et de la Chine. Ces ressources sont plus difficiles à aller chercher et plus difficiles à exploiter commercialement car elles nécessitent beaucoup de raffinage et de transformations.
Estimations des experts indépendants (entre 2006 et 2020) :
Leur méthode est proche de celle du pic Hubbert, après évaluation des réserves ultimes et calcul des ressources déjà produites, chacun procédera à des calculs mathématiques pour déterminer le pic.
P.Odell et M.Lynch font exception avec une estimation du pic en 2060 et 2030 car ils fondent leurs calculs sur une méthode différente basée sur les caractéristiques économiques du marché du pétrole [4]. Cette méthode est peu utilisée car elle relève plus de l'argumentation économique que scientifique.
Leurs méthodes malheureusement ne sont pas divulguées (si vous avez des infos ...). Par contre on s'aperçoit qu'elles annoncent un déclin prochain. Selon elles, il n'y aurait plus qu'une vingtaine d'années.
Estimations des organisations de conseils en énergie (entre 2010 et 2030) :Ici l'analyse des chiffres doit être détaillée car ces organisations ont des approches très hétérogènes.
L'ASPO (estimation du pic en 2010) :
Association que nous pouvons classer dans les "pessimistes". Ces chercheurs qui militent pour faire entendre leur parole se basent sur la méthode de Hubbert. Ils ont à leur crédit d'avoir une méthode transparente dont les moyens de calcul et résultats sont publiés régulièrement dans une lettre de diffusion traduite en français par l'ASPO France (Lien direct).
Le point faible de leur approche : Ils ne disposent pas de toutes les données connues des compagnies pétrolières et font leurs calculs d'après les informations qu'ils récoltent par leur réseau international.
L'AIE "Agence Internationale de l'Energie" (estimation du pic entre 2020 et 2030) :
Initialement créée pendant la première crise pétrolière en 73-74 pour coordonner les différentes actions de ces 26 pays, l'AIE à maintenant pour but d'être un conseiller international en énergie.
La méthode qu'il utilise est une estimation des réserves à venir d'après la méthode probabiliste de Monte Carlo. Les données qui ont servi à alimenter le modèle de calcul sont celles qui ont été récupérées à l'occasion d'une grande étude à l'iniitative des Etats-Unis en 2000 par l'USGS (United State Geological Survey) : "The World Petroleum Estimate" (Estimation des réserves mondiales de pétrole).
Au-delà de ça, l'AIE propose deux dates, 2020 et 2030. La différence entre l'hypothèse basse et l'hypothèse haute présentées par l'AIE se trouve dans la relance ou non des découvertes de gisements pétroliers et des avancées de la technologie.
- Les données officielles que donnent chaque pays ne sont pas vérifiées ni même critiquées. Dès lors que les chiffres publiés viennent de pays de l'OCDE alors ils sont pris comme tels. Et pourtant comme le dit si bien Jean Laherrere, les questions sont nombreuses (conversion des unités en d'autres douteuses, flou entretenu sur les productions réelles, etc.)
- Les données en entrées du modèle de Monte Carlo pour estimer la croissance des réserves à venir dans les différents pays producteurs du monde sont les caractéristiques que l'on a observées lors de l'exploitation des champs pétroliers américains autour des années 1948. Il n'est pas tenu compte de la diversité géologique que l'on rencontre d'un continent à un autre.
- Parier sur une relance des découvertes pétrolières semble bien être illusoire lorsque l'on sait qu'aucun champ pétrolier géant n'a été découvert depuis plus de 20 ans.
- Enfin, les découvertes actuelles mondiales n'évoluent pas comme ces simulations le prédisent.
Pour ceux qui lisent la langue de Shakespeare voici une deuxième source, un article du Energy Bulletin (Liend direct), qui reprend les défauts de la méthode choisie par l'AIE avec toutes les fragilités scientifiques que l'on peut lui associer.
Estimations des gouvernements (entre 2020 et ...) :
N'étant pas dans le secret des Dieux, ce n'est pas ici que vous apprendrez ce que les gouvernements actuels savent et ce qu'ils veulent que nous sachions qu'ils savent (c'est de la politique ...).
Par contre au travers de discours, d'articles, et d'autres pistes qu'ils laissent, on s'aperçoit de plus en plus qu'ils laissent s'intaller des les esprits que les énergies fossiles sont bel et bien des ressources finies.
Dominique de Villepin à fait un discours (Lien direct) en ce sens en 2005. Mais ces déclarations restent ambiguës.
Il parle de ressources "équivalentes aux besoins de consommation" jusqu'en 2030 mais il dit aussi que la "raréfaction" "face à une demande croissante" se fera sentir bien plus tôt. Comprendra qui pourra ...
Mais les lecteurs de ce blog auront quand même bien compris toutes les questions sous-jacentes que notre ministre se pose lorsqu'il rédige une telle déclaration.
Précision : Il est à savoir qu'il existe beaucoup de méthodes pour calculer la date du pic pétrolier et certaines seront exposées plus loin. Cependant dans le cadre de la synthèse c'est la méthode de Hubbert que l'on prendra pour base pour son approche scientifique du problème.
Données primaires : Ce sont les données source d'un problème. Par exemple pour calculer la moyenne d'âge de ma famille, il me faut l'âge de tous ces membres.
Que contient un champ pétrolier : Il n'est pas simple de savoir combien un gisement contient de tonnes de pétrole avant de l'avoir épuisé. Ceci est dû à la nature géologique des poches de pétroles qui ressemblent plus à une éponge qu'à un réservoir. Le pétrole se trouve dans un mélange avec de la roche poreuse dans lequel on essaie de forer un trou pour aspirer l'huile. Pour illustrer la difficulté, essayez de savoir combien de cl d'eau il y a dans une éponge sans la presser ...
Modèle de découverte basé sur l'économie : Cette approche met en relation le prix du pétrole avec les possibilités que celui-ci offre aux compagnies pétrolière d'investir et de mettre en oeuvre de nouvelles technologies pour produire du pétrole. La principale faiblesse de ce modèle est d'accorder aux futurs technologies une capacité à produire plus sans vraiment tenir compte des contraintes géologiques et d'éventuelles énergies de remplacement.
Commentaires
1. Le samedi 19 août 2006 à 21:08, par Kargai
2. Le dimanche 20 août 2006 à 19:56, par jp
3. Le dimanche 20 août 2006 à 20:08, par Kargai
4. Le vendredi 6 avril 2007 à 13:39, par amina
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